Les périodes les plus chaudes vécues jusqu’à présent seront désormais les plus fraîches 😬

N°4 : Le dernier rapport du GIEC, la compensation carbone, et le décryptage de la marque Soeur

Une Mode Meilleure
6 min ⋅ 24/03/2023

SOMMAIRE N°4 🔈

  • À emporter, l’actualité mode responsable à retenir 🗞

  • Intégrer la compensation carbone dans sa chaîne de valeur, quésaco 🔍

  • Derrière l’étiquette de Soeurle décryptage de la marque de vêtements 🕵️‍♀️


Vous recevez cette newsletter un vendredi contrairement à ce que j’avais pu annoncer au départ. Ça n’est pas par flemme (promis !) mais plusieurs raisons expliquent ce choix : d’une part je réalise que pour construire une revue de presse pertinente hebdomadaire il est plus intéressant d’avoir accès à toutes les actualités de la semaine. Ensuite, cela me laisse plus de temps pour l’écriture et la relecture, car si avant je bossais les week-ends, j’ai décidé d’arrêter pour me consacrer à ma fille. Et dernière raison - peut-être que j’aurais dû commencer par celle-ci - en soutien aux grèves je préfère choisir un jour moins susceptible d’être concerné par les manifestations et revendications. 

Je vous souhaite une bonne lecture !

À EMPORTER 🗞

Alerte rouge. Je ne pouvais pas décemment débuter cette revue de presse sans vous parler du nouveau rapport du GIEC. Surnommé le “guide de survie pour l'humanité” - ce titre donne le ton - le rapport rappelle l’urgence d’agir pour limiter la hausse du réchauffement climatique. Si le climat s’est déjà réchauffé de 1,1°C par rapport à la période 1850-1900, chaque effort compte à ce stade pour ne pas trop s’éloigner de la barre des 1,5°C fixée lors des Accords de Paris (qu’on atteindra dès 2030-2035). “La fenêtre d’action pour garantir un avenir vivable et durable pour tous se referme rapidement”, rappellent les experts. Les épisodes climatiques extrêmes vont se multiplier et s’accentuer. D’ailleurs les risques évalués sont plus graves que ce qui avait été estimé. Les périodes les plus chaudes vécues jusqu’à présent seront désormais les plus fraîches d'ici une génération (ça donne envie hein ?!). Le niveau de l’océan s’est déjà élevé de 20cm entre 1901 et 2018. Des espèces continuent de disparaître massivement. Pourtant, “nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés" [agroforesterie, agroécologie, verdissement des villes, diversification des cultures….]. Mais alors quel est le problème ? "Ce qui manque pour l'instant, c'est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes", a déclaré le président du GIEC. Ambiance. 

Rendez-vous dans 10 ans. Kering veut réduire de 40% ses émissions carbone d'ici à 2035 par rapport à 2021. Comment ma p’tite dame ? Et bien en s’appuyant sur 3 piliers : produire ce qu’ils vendent, améliorer les processus de fabrication et l'origine des matières premières, et enfin développer de nouveaux business models comme la seconde main ou la réutilisation. On peut dire qu’ils n’ont pas inventé l’eau chaude, même si se fixer des objectifs chiffrés c’est intéressant. Rendez-vous en 2035 alors pour juger des progrès. En espérant que la planète survive jusque là. 

Recyclage power. La marque Ganni lance un programme pour éviter de jeter 12 tonnes de chutes de coton par an. Les méthodes de production conventionnelles génèrent environ 20% de déchets de coupe, alors pour lutter contre ce gaspillage, la marque danoise a lancé un programme de recyclage interne afin de transformer ses chutes de coton en nouveaux t-shirts. “Près d'un an a été nécessaire pour mettre au point un fil recyclé "qui répond aux normes de qualité de la marque", composé de 50% de chutes de coton recyclées, et de 50% de coton certifié GOTS (Global Organic Textile Standard)”, explique cet article.

LA COMPENSATION CARBONE INTÉGRÉE, QUÉSACO ? 🔍

L’info. La marque danoise Ganni (encore elle ! cf plus haut) a décidé d’abandonner la compensation carbone “classique” (offsetting) au profit d’une compensation carbone intégrée (insetting) pour réduire efficacement ses émissions de CO2 sur sa propre chaîne d’approvisionnement.

Offsetting vs insetting, je suis perdue Lulu. Pour faire simple, une majorité d’entreprises aujourd’hui fait de la compensation carbone classique, en finançant des projets sans rapport direct avec l’activité de l’entreprise. Par exemple : quand une marque de mode plante un arbre pour chaque t-shirt acheté. Aucun rapport Hector. 

Au contraire, une entreprise qui décide de se tourner vers la compensation carbone intégrée, investit dans des projets de contribution à la neutralité carbone qui s’intègrent dans la chaîne de valeur de l’entreprise. Comme Ganni, qui a décidé de financer l’installation de panneaux solaires et la protection de la biodiversité à proximité de deux de ses usines portugaises. 

Le carbon insetting c’est mieux alors ? Il me semble oui. Car planter un arbre pour compenser la fabrication d’un t-shirt (carbon offsetting) cela ne permet pas de réduire les émissions de CO2 liées à la production du vêtement. Avec l’intégration de la compensation carbone dans sa propre chaîne d’approvisionnement, les marques n’ont pas d’autres choix que de réaliser des bilans carbone afin d’identifier précisément les étapes et les acteurs les plus polluants et de réfléchir à des solutions pour réduire cette pollution. En reprenant l’exemple de Ganni, installer des panneaux solaires dans deux de ses usines portugaises permet d’utiliser une électricité plus propre. Or, on le sait, l’énergie nécessaire pour fabriquer nos vêtements c’est ce qui pollue le plus dans l’industrie textile. Pour ce qui est de la biodiversité locale, là encore c’est intéressant, installer une usine quelque part a forcément des conséquences sur son environnement local. Alors autant agir là où se produisent les impacts.

Cette nouvelle stratégie “nous donne une visibilité totale sur les projets et sur leurs impacts, et nous aide à atteindre notre objectif absolu de réduction de carbone de 50 % d'ici à 2027 (ah tiens c’est plus ambitieux que Kering ça) - nous devons minimiser l'impact environnemental directement là où il se produit et pas ailleurs”, a expliqué la responsable RSE de la marque. 

Et le carbon insetting a d’autres atouts : il permet de construire des partenariats engagés avec ses fournisseurs, ses usines et de réfléchir collectivement a des solutions efficaces. Une marque ne doit plus seulement se poser en donneuse d’orde, où, de façon hiérarchique elle commande des vêtements à une usine. Se positionner comme partenaire, accompagner ses fournisseurs dans leur transition écologique, financer en partie des installations plus écologiques…. toutes ces actions permettent de mobiliser les équipes en interne et participent à la cohérence globale de la marque. Finalement, la compensation carbone classique c’est un peu le vieux monde qui s’achète une bonne conscience, ce sont des entreprises qui s’octroient le droit de polluer sans vraiment se soucier des impacts directement liés à leurs activités. Et comme le rappelle le GIEC, il est plus qu’urgent d’agir avec les solutions déjà en notre possession. Aux marques désormais d’afficher et de mener des engagements plus ambitieux, en collaboration avec leurs partenaires, pour limiter le réchauffement climatique.

DERRIÈRE L’ÉTIQUETTE DE SOEUR 🕵️‍♀️

Rentrons dans le vif du sujet, dans la collection Printemps-Été 2023 de Soeur, j’ai compté environ 500 références, vêtements, accessoires, chaussures compris. Beaucoup, pas beaucoup ? Chacun place le curseur où il l’entend mais j’estime que c’est beaucoup. 

Sur la page “engagements” de la marque, il y a trop peu de détails. La marque parle des pays de fabrication et tente de justifier ses choix : 39% des pièces de la récente collection sont fabriquées au Maghreb, 28% en Europe ou encore 28% en Asie. Portugal pour les chaussures, Tunisie pour les jeans, Inde pour les blouses, Chine pour la soie, et Europe de l’Est pour les pantalons et les vestes. Alors super hein mais ça ne me dit rien concernant les conditions de fabrication sur place. Mais alors vraiment rien du tout. 

📌 Pour les engagements sociaux je mets donc la note de 4/10.

Pour faire le lien avec les pays cités plus haut, l’Asie s’appuie sur les énergies fossiles pour produire son électricité (qui alimente les machines utilisées pour fabriquer les vêtements) contrairement à l’Europe qui utilise des énergies plus propres. C’est une information à garder en tête même si, pour mesurer les impacts environnementaux de la marque, il me faudrait un bilan carbone détaillé. 

Soeur considère qu’un produit est éco-responsable s’il est composé au minimum de 70% de matières éco-responsables. Pardonnez-moi mais ça ne veut rien dire. C’est quoi une matière éco-responsable ? Je l’ai déjà dit, il n’y a aucune définition scientifique sur cet aspect, donc je ne sais pas quels sont les critères pris en compte par la marque. Nous savons simplement que la collection Printemps-Été 2023 comprend 81% de pièces éco-responsables. C’est bien mais encore une fois je ne sais pas trop ce que cela veut dire. 

Sur les matières, sans regarder les étiquettes de composition, je n’ai pas d’autres informations sur cette page “engagements”. 

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Une Mode Meilleure

Par Chloé Cohen

Je suis journaliste et pendant cinq ans j’ai animé le podcast Nouveau Modèle sur la mode responsable et engagée. Aujourd'hui, vous pouvez me lire dans la presse ou me rencontrer lors de conférences sur la mode responsable ou lors d’ateliers d’écriture. Je suis en train d’écrire mon premier roman alors peut-être qu'un jour je serai dans votre bibliothèque. Voilà, vous savez tout ou presque.

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