N°0 : des produits toxiques dans nos vêtements, scandale sur la fashion sphère et le décryptage de la marque Bobbies
À emporter, l’actualité mode responsable à retenir 🗞
Perdre la tête, le scandale du défilé Schiaparelli analysé 🦁
Derrière la semelle de Bobbies, le décryptage de la marque de chaussures 🕵️♀️
Welcome Back ou Welcome tout court. Pour les anciens abonné·es je suis ravie de vous retrouver, et pour les nouveaux/nouvelles, tout simplement bienvenue. Bon, on ne va pas se mentir, j’ai écrit cette newsletter sur plusieurs jours, car avoir un bébé et être auto-entrepreneure (aka je bosse dans mon salon) c’est plus complexe que ce que j’avais pu anticiper. Moi enceinte : bien sûr que je pourrai continuer mon podcast, écrire une newsletter, organiser des événements, écrire des articles et écrire un livre après mon congé mat’. Moi aujourd’hui après 5 mois passés dans les joies (et les larmes soyons honnêtes) de la maternité : je n’ai pas commencé mon livre, le podcast a redémarré fin janvier, la newsletter a été lancée en février, et actuellement je tape ces mots les yeux rivés sur l’horaire car il me reste 1h30 avant d’aller récupérer ma fille à la crèche.
Hécatombe. Camaïeu, Kookaï, Pimkie ou encore Cop.Copine… les enseignes de mode des années 80 ferment les unes après les autres. D’une part, et selon l’expert Jean-Laurent Cassely, ces marques traditionnelles n’ont pas réussi à s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation, notamment celles de la Gen’ Z, qui privilégie l’achat en ligne rapide. D’autre part, elles ont souffert de la concurrence de la fast fashion ou de l’ultra fast fashion. Comme Shein, “une sorte de H & M sous stéroïdes”, comme l’écrit la journaliste Shira Ovide dans le Washington Post.
Rebellion baby. Les influenceur·euses éco-responsables commencent à se faire une place de choix sur les réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok et dénoncent la surconsommation à travers le #deinfluencing sur TikTok. Le hashtag compte 21,4 millions de vues et sa popularité continue d’augmenter.
C’est pas du luxe. On le savait déjà, le vintage à la cote, et l’horlogerie n’échappe pas à la règle. Le marché des montres de luxe d’occasion explose, et pourrait atteindre 35 milliards de francs suisses d'ici 2030 (contre 20 milliards de francs suisses aujourd’hui, un montant équivalent en euros). La tendance est portée par les choix de consommation plus engagés des millennials et de la génération Z.
Le contrôle est mort. Nos vêtements peuvent être dangereux pour notre santé. C’est ce que confirme un rapport divulgué au Parlement européen. Dans ce rapport, on peut lire que les cancers (peau, foie, thyroïde…), les problèmes pulmonaires et d'infertilité se sont multipliés dans les régions textiles d'Inde ; et que les taux de PFOA et PFOS (acides perfluorooctanoïque et perfluorooctanesulfonique) dépassent les seuils autorisés dans des pièces outdoor vendues en Europe. Même si nous pouvons compter sur les normes Reach en Europe pour interdire l'utilisation de certains produits dangereux, les contrôles aux douanes ne sont pas sans faille. Pour preuve : Rappel conso, le site du gouvernement des alertes de produits dangereux, a récemment rappelé - sur ordre de la marque - des sandales spartiates les Tropéziennes pour présence de Chrome VI (composé utilisé pour le tannage du cuir et qui peut provoquer un risque d'allergie cutanée, de démangeaison et de brûlures), sans oublier les bijoux Shein régulièrement concernés par des taux de cadmium et de nickel supérieurs aux normes réglementaires. Flippant hein ?
L’info. Kylie Jenner est apparue au défilé Schiaparelli dans une robe à tête de lion.
Wait, what ? Kylie Jenner est apparue dans une robe en velours fourrée noire surmontée d'une tête de lion en fausse-fourrure et résine. Sur le catwalk, certaines mannequins portaient des tenues similaires comme Shalom Harlow défilant dans une robe bustier assortie d'une tête de panthère des neiges. Ces tenues ont été imaginées par le directeur artistique de la maison Schiaparelli, Daniel Roseberry. Et pour ce défilé Haute Couture printemps-été 2023, il se serait inspiré de L'Enfer de Dante : "Le léopard, le lion et la louve - représentant respectivement la luxure, la fierté et l'avarice - s’incarnent ici dans de spectaculaires créations de fausse taxidermie, entièrement construites à la main, à partir de mousse, de résine et d'autres matériaux artificiels", explique-t-il.
Pourquoi c’est un problème. Okay, laisser libre cours à son imagination c’est essentiel, et nous avons bien besoin de créativité dans ce monde. Mais là je vois deux problèmes. Le premier - et c’est bien ce qui est reproché au designer américain - les robes font penser à des trophées de chasse. J’ai en tête l’image de ces hommes et femmes, armes à feu à la main, posant fièrement avec la tête du félin lâchement exécuté. D’ailleurs, d’après les scientifiques, les lions d'Afrique pourraient disparaître avant 2050. Le deuxième problème c’est la relation ambigüe que la mode entretient avec les animaux. Enfin, pas vraiment ambigüe, puisque pour confectionner de nombreux vêtements ou accessoires, la mode utilise des animaux vivants ou morts. Citons la fourrure, la laine ou encore le cuir. Or, les dérives sont nombreuses quand il s’agit d’exploitation animale à des fins commerciales. Les enquêtes de PETA sur la maltraitance animale ou les vidéos de l’association L214 dénonçant les conditions atroces des élevages et abattoirs ont marqué bien des esprits. Pour ces deux raisons, ce défilé avait toutes les chances de se retrouver au coeur d’une polémique. Vous me direz, ce n’est pas la première dans la mode, et certainement pas la dernière.
Bobbies vous connaissez ? Ce n’est pas le nom d’un boys band douteux mais bien celui d’une marque de chaussures. Et qui dit chaussure dit cuir dit animal dit polémique 😬
On ne va pas tourner autour du pot ou du lacet (je n’ai jamais dit que je faisais des blagues réussies), le cuir ça pollue. Selon l'Organisation pour l'alimentation et l’agriculture (FAO), l’élevage émet 14,5% des gaz à effets de serre de la planète. En cause : le méthane rejeté par les vaches, les forêts transformées en champs de céréales pour nourrir les animaux, ou encore les engrais utilisés. Même si, attention, tous les pays ne polluent pas de la même façon. En Europe, les émissions de gaz à effet de serre d’un kilo de boeuf seraient 4 fois moins élevées qu’en Amérique du Sud ou qu’en Asie du Sud. À cet impact environnemental conséquent, s’ajoute la souffrance animale. Surtout que la traçabilité de la filière du cuir est extrêmement difficile.
“Okay donc en fait la marque n’est pas responsable”. Avouez c’est exactement ce que vous venez de vous dire en lisant le précédent paragraphe. Et bien non, c’est plus complexe que cela. D’autres critères sont à prendre en considération comme les droits humains, la durabilité, ou encore les quantités produites. Alors on creuse ?
Pour décrypter une marque, j’ai toujours le même procédé : je commence par lire l’“à propos”. Ici, c’est pratique, ils ont carrément un onglet '“engagements responsables”. Ça m’évite de fouiller le site de fond en comble pour trouver trois lignes sur l’histoire de la marque, des “ateliers respectueux” et des “matières responsables”. Si vous êtes une marque, on arrête ça tout de suite et on détaille. Si vous êtes une personne - non pas que les marques soient des robots mais vous avez compris l’idée - fuyez.
Bref, revenons à nos chaussures. Bobbies dit “travailler main dans la main depuis plus de 10 ans avec des ateliers familiaux”. Oui, mais encore ? Leurs ateliers sont situés à São João da Madeira, “région réputée dans le monde entier pour son savoir-faire dans l'artisanat du cuir”. Cette description reste assez vague. Nous savons simplement que les chaussures sont fabriquées au Portugal, pays classé dans la catégorie 2 (violations réitérées des droits) selon l’Indice des droits dans le monde 2021, sur une échelle allant de 1 à 5+. La catégorie 2 est certes très encourageante mais elle n’exclut pas pour autant toutes les dérives en ce qui concerne le respect des droits humains. Quelques photos ou vidéos de la marque seraient ainsi les bienvenues afin de montrer les coulisses et de prouver les bonnes conditions de fabrication.
📌 Pour les engagements sociaux je mets donc la note de 7/10.
Vérifions maintenant les engagements environnementaux. Tout d’abord, concernant les émissions de CO2, la fabrication au Portugal constitue en elle-même une certaine garantie car le pays favorise l’utilisation d’énergie verte (contrairement à l’Asie encore très tournée vers les énergies fossiles). Ensuite, concernant la matière première, on l’a dit la marque utilise du cuir. Mais pas n’importe lesquels puisqu’ils proviennent exclusivement d'Italie, d'Espagne, du Portugal et d'Allemagne. Les tanneries sont également certifiées Leather Working Group, un groupe indépendant de tanneries et de fabricants qui travaillent sur des pratiques durables pour réduire l’impact environnemental du cuir (une production plus économe en énergie, une utilisation plus réglementée de l’eau ou encore un respect des normes réglementaires européennes concernant les substances nocives). S’ajoute à cette certification, l’utilisation du tannage végétal (à base de végétaux). Vous n’y comprenez rien au tannage ? J’ai décrypté les différents procédés ici. Pour terminer sur les rotules semelles, elles sont composées à 70% de caoutchouc recyclé et à 30% d'hévéa naturel. Pas mal du tout !
Bon, ça c’est le bon côté des engagements. De l’autre, il y a le greenwashing. La marque nous parle de ses packagings écologiques. Arrêtez s’il vous plaît avec cet argument qui n’en est pas un. Un packaging n’est pas écologique puisqu’il termine très souvent à la poubelle. Ça, c’est le premier point. Le deuxième c’est que Bobbies dit s’engager auprès de l'association A Tree for You, afin d’inviter ses client·es à “soutenir des projets de reforestation partout dans le monde en faisant un don lorsqu'ils/elles passent commande”. C’est bien de soutenir une association mais fabriquer des chaussures en cuir pollue et ce n’est pas parce que l’entreprise offre la possibilité de planter des arbres “pour compenser” cette pollution, qu’elle est responsable. Avant toute chose, l’entreprise doit drastiquement baisser les quantités produites pour effectivement diminuer ses émissions de CO2. Planter des arbres n’y changera rien. Et là Houston on a un problème : la marque vend actuellement (à l’heure où j’écris ces lignes) 207 références de chaussures dans la section femmes. 207 c’est beaucoup (trop), genre vraiment beaucoup.
📌 Pour les engagements environnementaux, je mets donc la note de 6/10.
Les notes données sont subjectives, elles sont le reflet de mon ressenti face aux informations à ma disposition.
Quelle marque souhaites-tu que je décrypte la prochaine fois ? Ysé, Faguo ou Balzac Paris…
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